Grand nombre de personnes touchées (toutes ?) par une infidélité disent combien la confiance qu’elles avaient en la relation, en leur conjoint est ébranlée, voire réduite à néant.

Il y a une profonde confusion entre la confiance et la sécurité.

C’est ce que je constate dans les échanges, et ce qu’Esther Perel explique très bien dans « je t’aime, je te trompe ».

Lorsque nous décidons de nous engager avec quelqu’un, nous oublions que nous ne connaissons jamais entièrement cette personne, et que nous ne savons pas comment elle va évoluer dans le temps.
Entrer en couple, c’est faire le pari qu’avec cette personne, nous serons capable d’évoluer ensemble dans le même sens, que nous saurons suffisamment discuter pour aplanir nos différents, que nous serons capables de maintenir du désir l’un pour l’autre.
C’est entretenir « une relation pleine d’assurance avec l’inconnu » (Rachel Botsman).
Somme toute, entrer en couple est un acte de foi.

 

Cette confiance est une façon de gérer l’incertitude

(notamment au sujet de la constance de notre désir l’un pour l’autre) et la vulnérabilité qui en découle.

Quand on découvre l’infidélité de son conjoint, tout ce que nous avons bâti sur cette foi s’effondre. Et nous réclamons à corps et à cris « tu t’étais engagé, tu n’avais pas le droit de faire cela », en oubliant que, dans l’acte de foi initial, il y a une part d’aléas à laquelle nous avons souscrit.
confiance couple

Nous exigeons alors de nous sentir de nouveau « en sécurité ».

Or la sécurité se définit par une grande visibilité des aléas et une bonne maîtrise des facteurs de risques ou des moyens de limiter les dégâts.

Nous découvrons que notre système d’évaluation des risques et notre assurance vis à vis de l’inconnu n’était pas une armure infaillible.
Alors nous relevons le niveau d’exigence vis à vis de notre conjoint et reformulons le contrat ainsi: il devait prendre soin de ma vulnérabilité, il devait me faire passer en premier dans ses choix, avant lui-même.
Nous redevenons alors cet enfant dépendant de l’autre pour sa sécurité affective, exigeant voire tyrannique dans son insécurité.

Concrètement, les échanges que nous pouvons avoir sur la confiance peuvent ressembler à cela:

« 

  • Vous dîtes: « je veux retrouver ma confiance en lui ». Ok, cela passerait par quoi?
  • Je veux qu’il me dise où il est, avec qui, ce qu’il fait. Ça me rend dingue quand il me dit qu’il doit aller à tel endroit et qu’il me dit le soir qu’il est allé ailleurs.
  • Dans le fond, vous voudriez avoir des garanties que ce qu’il annonce est bien ce qu’il fait? Vous avez besoin de cohérence et de visibilité?
  • Oui.
  • C’est quoi, la confiance pour vous?
  • C’est de sentir que l’autre n’est pas en train de faire des choses derrière notre dos, des choses contraires à ce qu’on s’est dit entre nous, pour notre couple, pour notre famille, et même pour moi. Qu’il ne me critique pas avec ses copains derrière mon dos, par exemple, qu’il n’est pas en train de prévoir d’avoir une autre relation avec quelqu’un.
  • Haaa, vous voulez dire que vous avez envie de vous sentir en sécurité dans la relation. C’est ça?
  • Oui, qu’il va prendre soin de moi, quoiqu’il arrive.
  • Est-ce que vous pouvez la nourrir autrement, cette sécurité?
  • Celle dans la relation? Non, je ne vois pas. C’est vraiment ce qui se passe entre nous deux qui est important.
  • Et si lui n’a pas envie ou n’est pas en capacité de prendre soin de vous comme vous le voulez?
  • C’est qu’il ne m’aime pas vraiment.
  • Ne pas être capable, c’est ne pas aimer?
  • C’est peut-être qu’il n’a pas appris, qu’il ne sait pas. Je vois, au début de notre relation, je ne savais pas dire je t’aime. C’est lui qui me l’a dit et répété jusqu’à ce que je me sente libre de le lui dire aussi, sans crainte.
  • Sans crainte de quoi?
  • Sans crainte qu’il se moque de moi ou qu’il parte avec un bout de moi. C’est bizarre, hein?
  • Il vous a dit je t’aime jusqu’à vous sentiez assez en sécurité avec lui pour que vous puissiez le dire aussi. Vous aviez une garantie qu’il n’allait pas se moquer?
  • Non. Dans le fond, il aurait pu faire ça pour que je m’expose et se moquer de moi après. Mais je le sentais comme ça, je le sentais engagé avec moi.
  • En quelque sorte, vous avez fait un pari sur le fait qu’il allait prendre soin de vous au moment où vous vous exposiez à lui dire je t’aime, vous aussi.
  • Oui, c’est vrai. Et un pari que le fait qu’il allait toujours faire des choix qui tiennent compte de moi, de mon bien-être, de ce qui est important pour moi. Et aujourd’hui, je me dis que j’ai eu tort.
  • Aujourd’hui, vous constatez que ce pari n’est pas réussi sur tous les plans: il a pris soin de vous pendant de longues années, et il continue de le faire: il s’occupe d’un certain nombre de choses à la maison, il s’occupe des enfants, il partage son salaire avec vous pour vous donner à tous le confort que vous avez…
  • Mais il a une aventure avec une autre femme.
  • Et cela vous met un doute sur la véracité et la fiabilité de tout le reste, puisque cela fait parti du « pari » que vous avez fait ensemble. Dans la relation que vous avez et qui se constitue de votre vie de famille, d’un partage financier, de vos échanges, de votre vie de couple, de vos relations sexuelles, il vous fait défaut sur UN plan et vous perdez votre sentiment de sécurité sur TOUS les plans.
  • Oui, c’est comme si soit j’ai le paquet complet et je suis en sécurité, soit je ne veux rien parce que j’ai trop peur qu’il ne remplisse pas son engagement sur les autres plans.
  • Est-ce que vous auriez la même réaction s’il avait fait une erreur financière, s’il avait pris un engagement financier sans vous en parler ?
  • Non, le financier, ça peut être embêtant. Il aurait pu faire un choix qui m’aurait mis en colère parce que je n’adhère pas à son choix sur le plan éthique par exemple, mais ça ne m’aurait pas touchée de la même façon. Non, c’est parce que en couchant avec une autre femme j’ai l’impression qu’il me dit que je ne suis plus assez belle, plus assez excitante, plus désirable.
  • Ce que vous dîtes c’est que cet acte de sa part vous fait penser que vous n’êtes plus assez « femme ».
  • C’est ça: je suis sa femme, mais c’est fonctionnel: je rempli le rôle de celle qui est à ses côtés pour la société, mais je ne suis plus LA Femme, pour lui. Et ça me rend tellement triste qu’il ne me voit plus comme ça. « 

Cette conversation n’a pas eu lieu, ou si, dans la voix des différentes personnes avec qui je travaille.

Ce que j’apprends de mes échanges avec les couples:

  • La confiance n’est pas une émotion ou un besoin, c’est une attente vis-à-vis de l’autre et cela cache un besoin de sécurité dans la relation, une attente que l’autre prenne soin de notre vulnérabilité. En thérapie ou en médiation, traiter la question de la confiance sans déplier ce qu’elle signifie amène à traiter des exigences d’un membre du couple sur l’autre. Et le besoin de confiance devient alors une source de conflits douloureuse pour le couple, et prend une place centrale. Parler de sécurité permet de parler de chacun des membres dans la relation.
  • Entrer en relation de couple avec quelqu’un est un énorme pari qui engage des aspects matériels, bien sûr, des aspects affectifs, émotionnels qui appartiennent à chacun des membres du couple, mais enfin et surtout qui engage le besoin d’être reconnu et défini et aimé dans son identité, notamment sexuelle, par l’autre. Quoi de plus rude à encaisser que d’être atteint dans son identité? Et qui plus est par la personne que l’on a choisi pour lui montrer un maximum de nous-même?

Avec un détail: le pari est pris à un instant où la relation est à son apogée et est supposée persister dans le temps, sans visibilité sur l’avenir et les évolutions de chacun.

Alors comment comprendre la décision de commettre une infidélité ?

Vous arrive-t-il de poser un acte, de prendre une décision, sans savoir pourquoi?

Dans les échanges que j’ai avec les conjoints qui ont commis une infidélité, une partie d’entre eux ne savent pas pourquoi ils ont fait cela.

Par contraste, quand je leur demande ce qu’ils ont trouvé dans cet acte, dans cette relation extra conjugale, les réponses viennent: « mon amant me désire, je me sens beau/belle », « je trouvais une intensité que je ne connaissais pas », « j’avais besoin d’un univers à moi ».

Ces phrases signent la présence d’un BESOIN. Le besoin, c’est cet élan vital qui pousse à l’action pour maintenir le corps et le psychisme en bonne santé. C’est un mécanisme de protection de l’intégrité psychique et physique.

La relation « officielle » ne permettait pas la réalisation de ce besoin.

Sauf que… le besoin est rarement identifié clairement par celui qui pose l’acte.

Dans le cas de l’infidélité, la stratégie (la relation extra-conjugale) tient rarement compte de l’intégralité des besoins de la personne (qui tient également à sa vie de famille, sa relation avec le conjoint trompé, …), et de ceux de l’autre membre du couple.

Le travail que je propose aux couples est bien celui-là:

  • Faire le point sur les besoins des deux partenaires, les mettre en lumière
  • Pour construire ensemble une stratégie globale (et concrète) qui tienne compte de leurs besoins.