« Je ne l’aime plus, depuis longtemps, mais je n’arrive pas à le quitter ».

C’est ce qu’elle m’a dit au téléphone, quand elle a pris RDV. Elle voulait mon aide, car sa vie n’avait plus de sens.

 

Elle a 62 ans. Elle veut vivre une “vraie” relation avant la fin de sa vie.

Elle n’arrive pas à quitter son mari.

Le déclencheur a été une relation amicale avec un homme, dans laquelle elle pouvait, pour la première fois, parler de ses émotions. Ce qui ne lui était encore jamais arrivé…

Et maintenant, elle veut vivre une relation amoureuse vivante dans laquelle elle pourrait parler de ce qu’elle ressent, mais quelque chose la retient. La relation avec son mari est purement fonctionnelle. L’amour initial s’en est allé au fil du temps.

Elle reste pourtant très attachée à l’image du couple idéal qu’ils forment en apparence, et que son entourage envie.

 

Robert Neuburger appelle cela “la maison-couple” : c’est l’image qu’on construit de son couple, pour soi-même et au regard de la société.

Comment réussir à se désidentifier de cette « bulle » qu’elle formait avec son mari ?

 

Notre travail ensemble consiste à entendre les parties d’elle : celles qui veulent se libérer, et celles qui la retiennent.

 

Elle me touche.

Sa détermination à se donner les moyens de vivre une relation de couple épanouissante…

Malgré les remarques sur son âge qu’elle a reçues.

Malgré la surprise de son entourage pour qui ils sont “le modèle du couple stable et fiable”.

Je suis touchée par la conviction qu’elle a acquise: “Moi aussi, j’ai le droit de vivre cela. Moi aussi, j’ai le droit d’être aimée pour ce que je suis”.

 Je la revois 3 mois plus tard. 

 

Elle l’a quitté depuis 2 mois déjà.

La tasse de café entre les mains, les joues rosies par son trajet en vélo dans le froid, elle raconte sa nouvelle vie.

Sa chambre seule.

Les échanges avec ses amis, qui ont enfin la saveur qu’elle attendait.

Et son étonnement.

 

“Quand il me parle, je ne me sens plus envahie par ses paroles, par ses problèmes. Pourtant, on dirait que, pour lui, rien n’a changé.

L’autre jour, il me parlait de son organisation pour un évènement, comme si je n’étais jamais parti. Il me dit “Je t’ai dit que j’avais besoin qu’on vienne me chercher en voiture, ce jour-là.” Je lui ai fait remarquer que non, il ne m’a pas dit, puisqu’on ne s’est pas vu depuis 10 jours. “he ben ça doit être au téléphone. En tout cas, je te l’ai dit!” Je lui ai montré mon historique d’appel: rien, pas un échange entre nous. Il a continué à affirmer qu’il me l’avait dit.

Avant, j’aurais douté de moi, j’aurais réfléchi à quand il aurait pu me dire ça, j’aurais repris mon agenda pour vérifier le déroulé de mes journées précédentes, retrouver un indice.

Là, j’étais certaine qu’on ne s’était pas parlé depuis 10 jours, ni face-à-face, ni au téléphone.

Je n’ai aucune raison de douter de moi.

J’ai rapporté l’anecdote à ma fille. Elle m’a répondu que c’est avec elle qu’il en avait parlé, que c’était elle qui allait le chercher en voiture.” “

Moi: vous en pensez quoi ?

“Il perd un peu la boule, non ?”

Moi: “Ça n’a pas toujours été comme ça ?”

“Si….”

Moi: “ Ce que vous dîtes, c’est que pendant toutes ces années, votre mari vous a fait régulièrement douter de ce que vous aviez fait et dit ?”